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SANS FAMILLE

C’est qu’entre ces enfants et moi il y avait une différence… terrible.

Si ces enfants font des sottises, ils ont derrière eux quelqu’un pour leur tendre la main quand ils tombent, ou pour les ramasser quand ils sont à terre ; tandis que moi, je n’avais personne ; si je tombais, je devais aller jusqu’au bas ; et une fois là me ramasser tout seul, si je n’étais pas cassé.

Et j’avais assez d’expérience pour comprendre que je pouvais très-bien me casser ; — ce qui me faisait peur, j’en conviens.

Malgré ma jeunesse, j’avais été assez éprouvé par le malheur pour être plus circonspect et plus prudent que ne le sont ordinairement les enfants de mon âge ; c’était un avantage que j’avais payé cher.

Aussi avant de me lancer sur la route qui m’était ouverte, je voulus aller voir celui qui, en ces dernières années, avait été un père pour moi : si la tante Catherine ne m’avait pas pris avec les enfants pour aller lui dire adieu, je pouvais bien, je devais bien tout seul aller l’embrasser.

Sans avoir jamais été à la prison pour dettes, j’en avais assez entendu parler en ces derniers temps, pour être certain de la trouver. Je suivrais le chemin de la Madeleine que je connaissais bien, et là je demanderais ma route. Puisque tante Catherine et les enfants avaient pu voir leur père, on me permettrait bien de le voir aussi sans doute. Moi aussi, j’étais ou plutôt j’avais été son enfant, il m’avait aimé !

Je n’osai pas traverser tout Paris avec Capi sur mes talons. Qu’aurais-je répondu aux sergents de