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SANS FAMILLE

Que faire de cette serviette ?

Capi m’indiquait que je devais m’en servir.

Mais comment ?

Après avoir bien cherché, je me mouchai dedans.

Là-dessus le général se tordit de rire, et Capi tomba les quatre pattes en l’air renversé par ma stupidité.

Voyant que je me trompais, je contemplais de nouveau la serviette, me demandant comment l’employer.

Enfin une idée m’arriva ; je roulai la serviette et m’en fis une cravate.

Nouveaux rires du général, nouvelle chute de Capi.

Et ainsi de suite jusqu’au moment où le général exaspéré m’arracha de ma chaise, s’assit à ma place et mangea le déjeuner qui m’était destiné.

Ah ! il savait se servir d’une serviette, le général. Avec quelle grâce il la passa dans une boutonnière de son uniforme et l’étala sur ses genoux. Avec quelle élégance il cassa son pain, et vida son verre !

Mais où ses belles manières produisirent un effet irrésistible, ce fut lorsque, le déjeuner terminé, il demanda un cure-dent et le passa rapidement entre ses dents.

Alors les applaudissements éclatèrent de tous les côtés et la représentation s’acheva dans un triomphe.

Comme le singe était intelligent ! comme le domestique était bête !

En revenant à notre auberge, Vitalis me fit ce compliment, et j’étais déjà si bien comédien, que je fus fier de cet éloge.