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SANS FAMILLE

colère. Qu’aura fait Capi ? il aura pris l’habitude de la colère et de l’emportement. C’est-à-dire qu’en se modelant sur mon exemple, il se sera corrompu. Le chien est presque toujours le miroir de son maître ; et qui voit l’un, voit l’autre. Montre-moi ton chien ; je dirai qui tu es. Le brigand a pour chien, un gredin ; le voleur, un voleur ; le paysan sans intelligence, un chien grossier ; l’homme poli et affable un chien aimable.

Mes camarades, les chiens et le singe, avaient sur moi le grand avantage d’être habitués à paraître en public, de sorte qu’ils virent arriver le lendemain sans crainte. Pour eux il s’agissait de faire ce qu’ils avaient déjà fait cent fois, mille fois peut-être.

Mais pour moi, je n’avais pas leur tranquille assurance. Que dirait Vitalis, si je jouais mal mon rôle ? Que diraient nos spectateurs ?

Cette préoccupation troubla mon sommeil et quand je m’endormis, je vis en rêve des gens qui se tenaient les côtes à force de rire, tant ils se moquaient de moi.

Aussi mon émotion était-elle vive, lorsque le lendemain nous quittâmes notre auberge pour nous rendre sur la place, où devait avoir lieu notre représentation.

Vitalis ouvrait la marche, la tête haute, la poitrine cambrée, et il marquait le pas des deux bras et des pieds en jouant une valse sur un fifre en métal.

Derrière lui venait Capi, sur le dos duquel se prélassait M. Joli-Cœur, en costume de général anglais, habit et pantalon rouge galonné d’or, avec un chapeau à claque surmonté d’un large plumet.