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SANS FAMILLE

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tournai sur mon lit de fougère, trop endolori, trop malheureux pour pouvoir m’endormir.

Est-ce qu’il en serait maintenant tous les jours ainsi ? marcher sans repos sous la pluie, coucher dans une grange, trembler de froid, n’avoir pour souper qu’un morceau de pain sec, personne pour me plaindre, personne à aimer, plus de mère Barberin ?

Comme je réfléchissais tristement, le cœur gros et les yeux pleins de larmes, je sentis un souffle tiède me passer sur le visage.

J’étendis la main en avant et je rencontrai le poil laineux de Capi.

Il s’était doucement approché de moi, s’avançant avec précaution sur la fougère, et il me sentait ; il reniflait doucement ; son haleine me courait sur la figure et dans les cheveux.

Que voulait-il ?

Il se coucha bientôt sur la fougère, tout près de moi, et délicatement il se mit à me lécher la main.

Tout ému de cette caresse, je me soulevai à demi et l’embrassai sur son nez froid.

Il poussa un petit cri étouffé, puis, vivement, il mit sa patte dans ma main et ne bougea plus.

Alors j’oubliai fatigue et chagrins ; ma gorge contractée se desserra ; je respirai ; je n’étais plus seul : j’avais un ami.