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SANS FAMILLE

pain, et tout en mangeant le sien, il partagea par petites bouchées entre Joli-Cœur, Capi et Dolce les morceaux qui leur étaient destinés.

Pendant les derniers mois que j’avais vécu auprès de mère Barberin, je n’avais certes pas été gâté ; cependant le changement me parut rude.

Ah ! comme la soupe chaude que mère Barberin nous faisait tous les soirs, m’eût paru bonne, même sans beurre !

Comme le coin du feu m’eût été agréable ; comme je me serais glissé avec bonheur dans mes draps, en remontant les couvertures jusqu’à mon nez !

Mais, hélas ! il ne pouvait être question ni de draps, ni de couverture, et nous devions nous trouver encore bien heureux d’avoir un lit de fougère.

Brisé par la fatigue, les pieds écorchés par mes sabots, je tremblais de froid dans mes vêtements mouillés.

La nuit était venue tout à fait, mais je ne pensais pas à dormir.

— Tes dents claquent, dit Vitalis ; tu as froid ?

— Un peu.

Je l’entendis ouvrir son sac.

— Je n’ai pas une garde-robe bien montée, dit-il, mais voici une chemise sèche et un gilet dans lesquels tu pourras t’envelopper après avoir défait tes vêtements mouillés ; puis tu t’enfonceras sous la fougère, tu ne tarderas pas à te réchauffer et à t’endormir.

Cependant, je ne me réchauffai pas aussi vite que Vitalis le croyait ; longtemps je me tournai et me re-