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SANS FAMILLE

promets aussi une culotte de velours, une veste et un chapeau. Cela va sécher tes larmes, j’espère, et te donner des jambes pour faire les six lieues qui nous restent.

Des souliers avec des clous dessous ! Je fus ébloui. C’était déjà une chose prodigieuse pour moi que ces souliers, mais quand j’entendis parler de clous, j’oubliai mon chagrin.

Non, bien certainement, mon maître n’était pas un méchant homme.

Est-ce qu’un méchant se serait aperçu que mes sabots me fatiguaient ?

Des souliers, des souliers à clous ! une culotte de velours ! une veste ! un chapeau !

Ah ! si mère Barberin me voyait, comme elle serait contente, comme elle serait fière de moi !

Quel malheur qu’Ussel fût encore si loin !

Malgré les souliers et la culotte de velours qui étaient au bout des six lieues qui nous restaient à faire, il me sembla que je ne pourrais pas marcher si loin.

Heureusement le temps vint à mon aide.

Le ciel, qui avait été bleu depuis notre départ, s’emplit peu à peu de nuages gris, et bientôt il se mit à tomber une pluie fine qui ne cessa plus.

Avec sa peau de mouton, Vitalis était assez bien protégé, et il pouvait abriter Joli-Cœur qui, à la première goutte de pluie, était promptement rentré dans sa cachette. Mais les chiens et moi, qui n’avions rien pour nous couvrir, nous n’avions pas tardé à être mouillés jusqu’à la peau ; encore les chiens pou-