Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
SANS FAMILLE

la maison, j’aperçus au loin une coiffe blanche. Elle disparut derrière un groupe d’arbres ; puis elle reparut bientôt.

La distance était telle que je ne distinguais que la blancheur de la coiffe, qui comme un papillon printanier aux couleurs pâles, voltigeait entre les branches.

Mais il y a des moments où le cœur voit mieux et plus loin que les yeux les plus perçants : je reconnus mère Barberin ; c’était elle ; j’en étais certain ; je sentais que c’était elle.

— Eh bien ? demanda Vitalis, nous mettons-nous en route ?

— Oh ! monsieur, je vous en prie.

— C’est donc faux ce qu’on disait, tu n’as pas de jambes ; pour si peu, déjà fatigué ; cela ne nous promet pas de bonnes journées.

Mais je ne répondis pas, je regardais.

C’était mère Barberin ; c’était sa coiffe, c’était son jupon bleu, c’était elle.

Elle marchait à grands pas, comme si elle avait hâte de rentrer à la maison.

Arrivée devant notre barrière, elle la poussa et entra dans la cour qu’elle traversa rapidement.

Aussitôt je me levai debout sur le parapet, sans penser à Capi qui sauta près de moi.

Mère Barberin ne resta pas longtemps dans la maison. Elle ressortit et se mit à courir de çà de là, dans la cour, les bras étendus.

Elle me cherchait.

Je me penchai en avant, et de toutes mes forces, je me mis à crier :