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SANS FAMILLE

franchis le seuil, que j’y laissais un morceau de ma peau.

Vivement, je regardai autour de moi, mes yeux obscurcis par les larmes ne virent personne à qui demander secours : personne sur la route, personne dans les prés d’alentour.

Je me mis à appeler :

— Maman, mère Barberin !

Mais personne ne répondit à ma voix, qui s’éteignit dans un sanglot.

Il fallut suivre Vitalis, qui ne m’avait pas lâché le poignet.

— Bon voyage ! cria Barberin.

Et il rentra dans la maison.

Hélas ! c’était fini.

— Allons, Rémi, marchons, mon enfant, dit Vitalis.

Et sa main tira mon bras.

Alors je me mis à marcher près de lui. Heureusement il ne pressa point son pas, et même je crois bien qu’il le régla sur le mien.

Le chemin que nous suivions s’élevait en lacets le long de la montagne, et, à chaque détour, j’apercevais la maison de mère Barberin qui diminuait, diminuait. Bien souvent j’avais parcouru ce chemin et je savais que quand nous serions à son dernier détour, j’apercevrais la maison encore une fois, puis qu’aussitôt que nous aurions fait quelques pas sur le plateau, ce serait fini ; plus rien ; devant moi l’inconnu ; derrière moi la maison où j’avais vécu jusqu’à ce jour si heureux, et que sans doute je ne reverrais jamais.