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SANS FAMILLE

berin ne quitta pas la maison, et je me couchai sans avoir pu trouver l’occasion que j’attendais.

Je m’endormis en me disant que ce serait pour le lendemain.

Mais le lendemain, quand je me levai, je n’aperçus point mère Barberin.

Comme je la cherchais en rôdant autour de la maison, Barberin me demanda ce que je voulais.

— Maman.

— Elle est au village, elle ne reviendra qu’après midi.

Sans savoir pourquoi, cette absence m’inquiéta. Elle n’avait pas dit la veille qu’elle irait au village. Comment n’avait-elle pas attendu pour nous accompagner, puisque nous devions y aller après midi ? Serait-elle revenue quand nous partirions ?

Une crainte vague me serra le cœur ; sans me rendre compte du danger qui me menaçait, j’eus cependant le pressentiment d’un danger.

Barberin me regardait d’un air étrange, peu fait pour me rassurer.

Voulant échapper à ce regard, je m’en allai dans le jardin.

Ce jardin, qui n’était pas grand, avait pour nous une valeur considérable, car c’était lui qui nous nourrissait, nous fournissant, à l’exception du blé, à peu près tout ce que nous mangions : pommes de terre, fèves, choux, carottes, navets. Aussi n’y trouvait-on pas de terrain perdu. Cependant mère Barberin m’en avait donné un petit coin dans lequel j’avais réuni une infinité de plantes, d’herbes, de mousse arrachées