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SANS FAMILLE

soir. Tandis que s’il n’est pas intelligent, il pleurera, il criera, et comme le signor Vitalis n’aime pas les enfants méchants, il ne l’emmènera pas avec lui. Alors l’enfant méchant ira à l’hospice où il faut travailler dur et manger peu.

J’étais assez intelligent pour comprendre ces paroles, mais de la compréhension à l’exécution, il y avait une terrible distance à franchir.

Assurément les élèves du signor Vitalis étaient bien drôles, bien amusants, et ce devait être bien amusant aussi de se promener toujours ; mais pour les suivre et se promener avec eux il fallait quitter mère Barberin.

Il est vrai que si je refusais, je ne resterais peut-être pas avec mère Barberin, on m’enverrait à l’hospice.

Comme je demeurais troublé, les larmes dans les yeux, Vitalis me frappa doucement du bout du doigt sur la joue.

— Allons, dit-il, l’enfant comprend puisqu’il ne crie pas, la raison entrera dans cette petite tête, et demain…

— Oh ! monsieur, m’écriai-je ; laissez-moi à maman Barberin, je vous en prie !

Mais avant d’en avoir dit davantage, je fus interrompu par un formidable aboiement de Capi.

En même temps le chien s’élança vers la table sur laquelle Joli-Cœur était resté assis.

Celui-ci, profitant d’un moment où tout le monde était tourné vers moi, avait doucement pris le verre de son maître, qui était plein de vin, et il était en