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SANS FAMILLE

tendre, elle sortit de la chambre de tante Catherine et me fit signe de la suivre dans le jardin.

— Lise ! appela tante Catherine.

Mais Lise, sans répondre, continua son chemin en se hâtant.

Dans les jardins des fleuristes et des maraîchers, tout est sacrifié à l’utilité, et la place n’est point donnée aux plantes de fantaisie ou d’agrément. Cependant dans notre jardin, il y avait un gros rosier de Bengale qu’on n’avait point arraché parce qu’il était dans un coin perdu.

Lise se dirigea vers ce rosier auquel elle coupa une branche, puis se tournant vers moi, elle divisa en deux ce rameau qui portait deux petits boutons près d’éclore et m’en donna un.

Ah ! que le langage des lèvres est peu de chose comparé à celui des yeux ! que les mots sont froids et vides comparés aux regards !

— Lise ! Lise ! cria la tante.

Déjà les paquets étaient sur le fiacre.

Je pris ma harpe et j’appelai Capi, qui, à la vue de l’instrument et de mon ancien costume, qui n’avait rien d’effrayant pour lui, sautait de joie, comprenant sans doute que nous allions nous remettre en route et qu’il pourrait sauter, courir en liberté, ce qui, pour lui, était plus amusant que de rester enfermé.

Le moment des adieux était venu. La tante Catherine l’abrégea ; elle fit monter Étiennette, Alexis et Benjamin, et me dit de lui donner Lise sur ses genoux.

Puis, comme je restais abasourdi, elle me repoussa doucement et ferma la portière.