Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/342

Cette page a été validée par deux contributeurs.
334
SANS FAMILLE

corps en morceaux et de se le partager en autant de parties qu’ils le voulaient ; moi on me met simplement en prison, et j’y serai sans doute dans quelques jours, j’y serai pour cinq ans. Que deviendrez-vous pendant ce temps-là ? Voilà le terrible.

Il se fit un silence ; je ne sais ce qu’il fut pour les autres enfants, mais pour moi il fut affreux.

— Vous pensez bien que je n’ai pas été sans réfléchir à cela ; et voilà ce que j’ai décidé pour ne pas vous laisser seuls et abandonnés après que j’aurai été arrêté.

Un peu d’espérance me revint.

— Rémi va écrire à ma sœur Catherine Suriot, à Dreuzy, dans la Nièvre ; il va lui expliquer la position et la prier de venir ; avec Catherine qui ne perd pas facilement la tête, et qui connaît les affaires, nous déciderons le meilleur.

C’était la première fois que j’écrivais une lettre, ce fut un pénible, un cruel début.

Bien que les paroles du père fussent vagues, elles contenaient pourtant une espérance, et dans la position où nous étions, c’était déjà beaucoup que d’espérer.

Quoi ?

Nous ne le voyions pas ; mais nous espérions ; Catherine allait arriver et c’était une femme qui connaissait les affaires ; cela suffisait à des enfants simples et ignorants tels que nous.

Pour ceux qui connaissent les affaires, il n’y a plus de difficultés en ce monde.

Cependant elle n’arriva pas aussi tôt que nous