soleil. Cela n’était ni bien difficile, ni bien pénible, mais cela était assez long, car j’avais plusieurs centaines de panneaux à remuer deux fois par jour et à surveiller pour les ombrer ou les découvrir selon l’ardeur du soleil.
Pendant ce temps, Lise restait auprès du manège qui servait à élever l’eau nécessaire aux arrosages, et quand la vieille Cocotte, fatiguée de tourner, les yeux encapuchonnés dans son masque de cuir, ralentissait le pas, elle l’excitait en faisant claquer un petit fouet ; un des frères renversait les seaux que faisait monter ce manège, et l’autre aidait son père ; ainsi chacun avait son poste, et personne ne perdait son temps.
J’avais vu les paysans travailler dans mon village, mais je n’avais aucune idée de l’application, du courage et de l’intensité avec lesquels travaillent les jardiniers des environs de Paris, qui, debout bien avant que le soleil paraisse, au lit bien tard après qu’il est couché, se dépensent tout entiers et peinent tant qu’ils ont de forces durant cette longue journée ; j’avais vu aussi cultiver la terre, mais je n’avais aucune idée de ce qu’on peut lui faire produire par le travail, en ne lui laissant pas de repos : je fus à bonne école chez le père Acquin.
On ne m’employa pas toujours aux châssis ; les forces me vinrent, et j’eus aussi la satisfaction de pouvoir mettre quelque chose dans la terre, et la satisfaction beaucoup plus grande encore de le voir pousser : c’était mon ouvrage à moi, ma chose, ma création, et cela me donnait comme un sentiment de fierté ; j’étais donc propre à quelque chose, je le prou-