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SANS FAMILLE

rechutes qui eussent découragé peut-être des parents, mais qui ne lassèrent ni la patience ni le dévouement d’Étiennette. Pendant plusieurs nuits, il fallut me veiller, car j’avais la poitrine prise de manière à croire que j’allais étouffer d’un moment à l’autre, et ce furent Alexis et Benjamin qui, alternativement, se remplacèrent auprès de mon lit. Enfin, la convalescence arriva ; mais, comme la maladie fut longue, capricieuse, et il me fallut attendre que le printemps commençât à reverdir les prairies de la Glacière pour sortir de la maison.

Alors Lise, qui ne travaillait point, prit la place d’Étiennette et ce fut elle qui me promena sur les bords de la Bièvre. Vers midi, quand le soleil était dans son plein, nous partions, et nous tenant par la main nous nous en allions doucement suivis de Capi. Le printemps fut doux et beau cette année-là, ou tout au moins il m’en est resté un doux et beau souvenir, ce qui est la même chose.

C’est un quartier peu connu des Parisiens que celui qui se trouve entre la Maison-Blanche et la Glacière ; on sait vaguement qu’il y a quelque part par là une petite vallée, mais comme la rivière qui l’arrose est la Bièvre, on dit et l’on croit que cette vallée est un des endroits les plus sales et les plus tristes de la banlieue de Paris. Il n’en est rien cependant, et l’endroit vaut mieux que sa réputation. La Bièvre, que l’on juge trop souvent par ce qu’elle est devenue industriellement dans le faubourg Saint-Marcel, et non par ce qu’elle était naturellement à Verrières ou à Rungis, coule là, ou tout au moins coulait là au temps