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SANS FAMILLE

même temps j’avais perdu mon compagnon, mon camarade, mon ami, mon bon et cher Capi que j’aimais tant et qui, lui aussi, m’avait pris en si grande amitié, et cependant quand le jardinier me proposa de rester chez lui un sentiment de confiance me raffermit le cœur.

Tout n’était donc pas fini pour moi : la vie pouvait recommencer.

Et ce qui me touchait, bien plus que le pain assuré dont on me parlait, c’était cet intérieur que je voyais si uni, cette vie de famille qu’on me promettait.

Ces garçons seraient mes frères.

Cette jolie petite Lise serait ma sœur.

Dans mes rêves enfantins j’avais plus d’une fois imaginé que je retrouverais mon père et ma mère, mais je n’avais jamais pensé à des frères et à des sœurs.

Et voilà qu’ils s’offraient à moi.

Ils ne l’étaient pas réellement, cela était vrai, de par la nature, mais ils pourraient le devenir de par l’amitié : pour cela il n’y avait qu’à les aimer (ce à quoi j’étais tout disposé), et à me faire aimer d’eux, ce qui ne devait pas être difficile, car ils paraissaient tous remplis de bonté.

Vivement je dépassai la bandoulière de ma harpe de dessus mon épaule.

— Voilà une réponse, dit le père en riant, et une bonne, on voit qu’elle est agréable pour toi. Accroche ton instrument à ce clou, mon garçon, et le jour où tu ne te trouveras pas bien avec nous, tu le reprendras