Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/308

Cette page a été validée par deux contributeurs.
300
SANS FAMILLE

Surpris par cette proposition, je restai un moment indécis, ne me rendant pas bien compte de ce que j’entendais.

Alors Lise, quittant son père, vint à moi, et, me prenant par la main, me conduisit devant une gravure enluminée qui était accrochée à la muraille ; cette gravure représentait un petit Saint-Jean vêtu d’une peau de mouton.

Du geste elle fit signe à son père et à ses frères de regarder la gravure, et en même temps, ramenant la main vers moi, elle lissa ma peau de mouton et montra mes cheveux qui, comme ceux de Saint-Jean, étaient séparés au milieu du front et tombaient sur mes épaules en frisant.

Je compris qu’elle trouvait que je ressemblais au Saint-Jean et sans trop savoir pourquoi cela me fit plaisir et en même temps me toucha doucement.

— C’est vrai, dit le père, qu’il ressemble au Saint-Jean.

Lise frappa des mains en riant.

— Eh bien, dit le père en revenant à sa proposition, cela te va-t-il mon garçon ?

Une famille !

J’aurais donc une famille ! Ah ! combien de fois déjà ce rêve tant caressé s’était-il évanoui : mère Barberin, madame Milligan, Vitalis, tous, les uns après les autres m’avaient manqué.

Je ne serais plus seul.

Ma position était affreuse : je venais de voir mourir un homme avec lequel je vivais depuis plusieurs années et qui avait été pour moi presque un père ; en