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SANS FAMILLE

Ce mot me fit trembler de la tête aux pieds : leur camarade !

Au deuxième coup de fouet le patient poussa un gémissement lamentable, au troisième un cri déchirant.

Garofoli leva la main, Riccardo resta le fouet suspendu.

Je crus qu’il voulait faire grâce ; mais ce n’était pas de grâce qu’il s’agissait.

— Tu sais combien les cris me font mal, dit doucement Garofoli en s’adressant à sa victime, tu sais que si le fouet te déchire la peau, tes cris me déchirent le cœur ; je te préviens donc que pour chaque cri, tu auras un nouveau coup de fouet : et ce sera ta faute ; pense à ne pas me rendre malade de chagrin ; si tu avais un peu de tendresse pour moi, un peu de reconnaissance, tu te tairais : Allons, Riccardo !

Celui-ci leva le bras et les lanières cinglèrent le dos du malheureux.

— Mamma ! mamma ! cria celui-ci.

Heureusement je n’en vis point davantage, la porte de l’escalier s’ouvrit et Vitalis entra.

Un coup d’œil lui fit comprendre ce que les cris qu’il avait entendus en montant l’escalier lui avaient déjà dénoncé, il courut sur Riccardo et lui arracha le fouet de la main ; puis se retournant vivement vers Garofoli, il se posa devant lui les bras croisés.

Tout cela s’était passé si rapidement, que Garofoli resta un moment stupéfait, mais bientôt se remettant et reprenant son sourire doucereux :

— N’est-ce pas, dit-il, que c’est terrible ; cet enfant n’a pas de cœur.