Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
272
SANS FAMILLE

— Ce n’est pas ma faute.

— Désormais, celui qui répondra : « ce n’est pas ma faute, » recevra un coup de lanière en plus de ce qui lui est dû ; combien te manque-t-il ?

— J’ai apporté un morceau de bois, ce beau morceau-là ?

— Ça c’est quelque chose ; mais va chez le boulanger et demande-lui du pain en échange de ton morceau de bois, t’en donnera-t-il ? Combien te manque-t-il de sous ; voyons, parle donc.

— J’ai fait trente-six sous.

— Il te manque quatre sous, misérable gredin, quatre sous ! et tu reparais devant moi ! Riccardo, tu es un heureux coquin, mon mignon, tu vas bien t’amuser : bas la veste !

— Mais, le morceau de bois ?

— Je te le donne pour dîner.

Cette stupide plaisanterie fit rire tous les enfants qui n’étaient pas condamnés.

Pendant cet interrogatoire il était survenu une dizaine d’enfants : tous vinrent, à tour de rôle, rendre leurs comptes ; avec deux déjà condamnés aux lanières, il s’en trouva trois autres qui n’avaient point leur chiffre.

— Ils sont donc cinq brigands qui me volent et me pillent ! s’écria Garofoli d’une voix gémissante ; voilà ce que c’est d’être trop généreux ; comment voulez-vous que je paye la bonne viande et les bonnes pommes de terre que je vous donne, si vous ne voulez pas travailler ? Vous aimez mieux jouer ; il faudrait pleurer avec les jobards, et vous aimez mieux rire entre