Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/279

Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
SANS FAMILLE

— Alors c’est deux sous ? tu sais que je n’ai jamais vu ton pareil.

— Ce n’est pas ma faute.

— Pas de niaiseries, tu connais la règle : défais ta veste, deux coups pour hier, deux coups pour aujourd’hui ; et en plus pas de pommes de terre pour ton audace ; Riccardo, mon mignon, tu as bien gagné cette récréation par ta gentillesse ; prends les lanières.

Riccardo était l’enfant qui avait apporté la bonne allumette avec tant d’empressement ; il décrocha de la muraille un fouet à manche court se terminant par deux lanières en cuir avec de gros nœuds. Pendant ce temps, celui auquel il manquait un sou défaisait sa veste et laissait tomber sa chemise de manière à être nu jusqu’à la ceinture.

— Attends un peu, dit Garofoli avec un mauvais sourire, tu ne seras peut-être pas seul, et c’est toujours un plaisir d’avoir de la compagnie, et puis Riccardo n’aura pas besoin de s’y reprendre à plusieurs reprises.

Debout devant leur maître, les enfants se tenaient immobiles ; à cette plaisanterie cruelle, ils se mirent tous ensemble à rire d’un rire forcé.

— Celui qui a ri le plus fort, dit Garofoli, est, j’en suis certain, celui auquel il manque le plus. Qui a ri fort ?

Tous désignèrent celui qui était arrivé le premier apportant un morceau de bois.

— Allons, toi, combien te manque-t-il ? demanda Garofoli.