cilement les quarante sous et moi si difficilement mes trente. Quand un monsieur et une dame nous donnaient, la dame disait toujours : « À celui qui est gentil, pas à celui qui est si laid. » Celui qui était laid, c’était moi. Je ne sortis plus avec mon camarade, parce que si c’est triste de recevoir des coups de bâton à la maison, c’est encore plus triste de recevoir des mauvaises paroles dans la rue, devant tout le monde. Vous ne savez pas cela, vous, parce qu’on ne vous a jamais dit que vous étiez laid ; mais moi… Enfin, Garofoli voyant que les coups n’y faisaient rien, employa un autre moyen. « Pour chaque sou qui te manquera, je te retiendrai une pomme de terre à ton souper, me dit-il. Puisque ta peau est dure aux coups, ton estomac sera peut-être tendre à la faim. » Est-ce que les menaces vous ont jamais fait faire quelque chose, vous ?
— Dame, c’est selon.
— Moi, jamais ; d’ailleurs je ne pouvais faire plus que ce que j’avais fait jusque-là ; et je ne pouvais pas dire à ceux à qui je tendais la main : « Si vous ne me donnez pas un sou, je n’aurai pas de pommes de terre ce soir ». Les gens qui donnent aux enfants ne se décident pas par ces raisons-là.
— Et par quelles raisons se décident-ils ? on donne pour faire plaisir.
— Ah bien ! vous êtes encore jeune, vous ; on donne pour se faire plaisir à soi-même et non aux autres ; on donne à un enfant parce qu’il est gentil, et ça c’est la meilleure des raisons ; on lui donne pour l’enfant qu’on a perdu ou bien pour l’enfant qu’on désire ; on