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SANS FAMILLE

cheminée, et devant ce feu bouillait une grande marmite en fonte.

Je m’approchai alors de la cheminée pour me chauffer, et je remarquai que cette marmite avait quelque chose de particulier que tout d’abord je n’avais pas vu. Le couvercle, surmonté d’un tube étroit par lequel s’échappait la vapeur, était fixé à la marmite, d’un côté par une charnière, et d’un autre par un cadenas.

J’avais compris que je ne devais pas faire de questions indiscrètes sur Garofoli, mais sur la marmite ?…

— Pourquoi donc est-elle fermée au cadenas ?

— Pour que je ne puisse pas prendre une tasse de bouillon. C’est moi qui suis chargé de faire la soupe, mais le maître n’a pas confiance en moi.

Je ne pus m’empêcher de sourire.

— Vous riez, continua-t-il tristement, parce que vous croyez que je suis gourmand. À ma place vous le seriez peut-être tout autant. Il est vrai que ce n’est pas gourmand que je suis, mais affamé, et l’odeur de la soupe qui s’échappe par ce tube me rend ma faim plus cruelle encore.

— Le signor Garofoli vous laisse donc mourir de faim ?

— Si vous entrez ici, à son service, vous saurez qu’on ne meurt pas de faim, seulement on en souffre. Moi surtout, parce que c’est une punition.

— Une punition ! mourir de faim.

— Oui ; au surplus, je peux vous conter ça ; si Garofoli devient votre maître, mon exemple pourra