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SANS FAMILLE

— Vous êtes du pays ? me dit-il en italien.

Depuis que j’étais avec Vitalis j’avais appris assez d’italien pour comprendre à peu près tout ce qui se disait en cette langue, mais je ne la parlais pas encore assez bien pour m’en servir volontiers.

— Non, répondis-je en français.

— Ah ! fit-il tristement en fixant sur moi ses grands yeux, tant pis, j’aurais aimé que vous fussiez du pays.

— De quel pays ?

— De Lucca ; vous m’auriez peut-être donné des nouvelles.

— Je suis Français.

— Ah ! tant mieux.

— Vous aimez mieux les Français que les Italiens ?

— Non, et ce n’est pas pour moi que je dis tant mieux, c’est pour vous ; parce que si vous étiez Italien, vous viendriez ici probablement pour être au service du signor Garofoli ; et l’on ne dit pas tant mieux à ceux qui entrent au service du signor padrone.

Ces paroles n’étaient pas de nature à me rassurer.

— Il est méchant ?

L’enfant ne répondit pas à cette interrogation directe, mais le regard qu’il fixa sur moi fut d’une effrayante éloquence. Puis, comme s’il ne voulait pas continuer une conversation sur ce sujet, il me tourna le dos et se dirigea vers une grande cheminée qui occupait l’extrémité de la pièce.

Un bon feu de bois de démolition brûlait dans cette