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SANS FAMILLE

hautes et noires semblaient se rejoindre par le haut ; le ruisseau non gelé coulait au milieu de la rue, et sans souci des eaux puantes qu’il roulait, une foule compacte piétinait sur le pavé gras. Jamais je n’avais vu des figures aussi pâles que celles des gens qui composaient cette foule ; jamais non plus je n’avais vu hardiesse pareille à celle des enfants qui allaient et venaient au milieu des passants ; dans des cabarets, qui étaient nombreux, il y avait des hommes et des femmes qui buvaient debout devant des comptoirs d’étain en criant très-fort.

Au coin d’une maison je lus le nom de la rue de Lourcine.

Vitalis, qui paraissait savoir où il allait, écartait doucement les groupes qui gênaient son passage, et je le suivais de près.

— Prends garde de me perdre, m’avait-il dit.

Mais la recommandation était inutile, je marchais sur ses talons, et pour plus de sûreté, je tenais dans ma main un des coins de sa veste.

Après avoir traversé une grande cour et un passage, nous arrivâmes dans une sorte de puits sombre et verdâtre où assurément le soleil n’avait jamais pénétré. Cela était encore plus laid et plus effrayant que tout ce que j’avais vu jusqu’alors.

— Garofoli est-il chez lui ? demanda Vitalis à un homme qui accrochait des chiffons contre la muraille, en s’éclairant d’une lanterne.

— Je ne sais pas, montez voir vous-même : vous savez où, au haut de l’escalier, la porte en face.

— Garofoli est le padrone dont je t’ai parlé, me dit-