Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
SANS FAMILLE

— Voilà une auberge, dit Vitalis, qui nous a fait payer cher l’hospitalité qu’elle nous a vendue.

En disant cela, sa voix tremblait.

Il sortit le premier, et je marchai dans ses pas.

Il fallut appeler Capi, qui était resté sur le seuil de la hutte, le nez tourné vers l’endroit où ses camarades avaient été surpris.

Dix minutes après être arrivés sur la grande route, nous croisâmes une voiture dont le charretier nous apprit qu’avant une heure nous trouverions un village.

Cela nous donna des jambes, et cependant marcher était difficile autant que pénible, au milieu de cette neige, dans laquelle j’enfonçais jusqu’à mi-corps.

De temps en temps, je demandais à Vitalis comment se trouvait Joli-Cœur, et il me répondait qu’il le sentait toujours grelotter contre lui.

Enfin au bas d’une côte se montrèrent les toits blancs d’un gros village ; encore un effort et nous arrivions.

Nous n’avions point pour habitude de descendre dans les meilleures auberges, celles qui par leur apparence cossue, promettaient bon gîte et bonne table ; tout au contraire nous nous arrêtions ordinairement à l’entrée des villages ou dans les faubourgs, choisissant quelque pauvre maison, d’où l’on ne nous repousserait pas, et où l’on ne viderait pas notre bourse.

Mais cette fois, il n’en fut pas ainsi : au lieu de s’arrêter à l’entrée du village, Vitalis continua jusqu’à une auberge devant laquelle se balançait une belle