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SANS FAMILLE

Capi ne paraissait plus être sous l’impression de frayeur qui l’avait paralysé pendant la nuit ; les yeux sur ceux de son maître il n’attendait qu’un signe pour s’élancer en avant.

Comme nous cherchions sur la terre les empreintes de Joli-Cœur, Capi leva la tête et se mit à aboyer joyeusement ; cela signifiait que c’était en l’air qu’il fallait chercher et non à terre.

En effet, nous vîmes que la neige qui couvrait notre cabane avait été foulée çà et là, jusqu’à une grosse branche penchée sur notre toit.

Nous suivîmes des yeux cette branche, qui appartenait à un gros chêne, et tout au haut de l’arbre, blottie dans une fourche, nous aperçûmes une petite forme de couleur sombre.

C’était Joli-Cœur, et ce qui s’était passé n’était pas difficile à deviner : effrayé par les hurlements des chiens et des loups, Joli-Cœur au lieu de rester près du feu, s’était élancé sur le toit de notre hutte, quand nous étions sortis, et de là il avait grimpé au haut du chêne, où se trouvant en sûreté, il était resté blotti, sans répondre à nos appels.

La pauvre petite bête si frileuse devait être glacée.

Mon maître l’appela doucement, mais il ne bougea pas plus que s’il était mort.

Pendant plusieurs minutes, Vitalis répéta ses appels : Joli-Cœur ne donna pas signe de vie.

J’avais à racheter ma négligence de la nuit.

— Si vous voulez, dis-je, je vais l’aller chercher.

— Tu vas te casser le cou.

— Il n’y a pas de danger.