Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
212
SANS FAMILLE

coup plus léger que moi, n’avait pas voulu que je l’éveillasse en allant tirer un morceau de bois à notre muraille chaque fois que j’en aurais besoin, et il m’avait préparé ce tas, dans lequel il n’y avait qu’à prendre sans bruit.

C’était là sans doute une sage précaution, mais elle n’eut pas, hélas ! les suites que Vitalis attendait.

Me voyant éveillé et prêt à prendre ma faction, il s’était allongé à son tour devant le feu, ayant Joli-Cœur contre lui, roulé dans une couverture, et bientôt sa respiration, plus haute et plus régulière, m’avait dit qu’il venait de s’endormir.

Alors je m’étais levé et doucement, sur la pointe des pieds, j’avais été jusqu’à la porte, pour voir ce qui se passait au dehors.

La neige avait tout enseveli, les herbes, les buissons, les cépées, les arbres ; aussi loin que la vue pouvait s’étendre, ce n’était qu’une nappe inégale, mais uniformément blanche ; le ciel était parsemé d’étoiles scintillantes, mais, si vive que fût leur clarté, c’était de la neige que montait la pâle lumière qui éclairait le paysage. Le froid avait repris et il devait geler au dehors, car l’air qui entrait dans notre cabane était glacé. Dans le silence lugubre de la nuit, on entendait parfois des craquements qui indiquaient que la surface de la neige se congelait.

Nous avions été vraiment bien heureux de rencontrer cette cabane ; que serions-nous devenus en pleine forêt, sous la neige et par ce froid ?

Si peu de bruit que j’eusse fait en marchant, j’avais éveillé les chiens, et Zerbino s’était levé pour venir