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SANS FAMILLE

Bientôt quelques flocons de neige, larges comme des papillons, nous passèrent devant les yeux ; ils montaient, descendaient, tourbillonnaient sans toucher la terre.

Nous n’avions pas encore fait beaucoup de chemin et il me paraissait impossible d’arriver à Troyes avant la neige ; au reste cela m’inquiétait peu et je me disais même que la neige en tombant arrêterait ce vent du nord et apaiserait le froid.

Mais je ne savais pas ce que c’était qu’une tempête de neige.

Je ne tardai pas à l’apprendre, et de façon à n’oublier jamais cette leçon.

Les nuages qui venaient du nord-ouest s’étaient approchés, et une sorte de lueur blanche éclairait le ciel de leur côté ; leurs flancs s’étaient entr’ouverts, c’était la neige.

Ce ne furent plus des papillons qui voltigèrent devant nous, ce fut une pluie de neige qui nous enveloppa.

— Il était écrit que nous n’arriverions pas à Troyes, dit Vitalis ; il faudra nous mettre à l’abri dans la première maison que nous rencontrerons.

C’était là une bonne parole qui ne pouvait m’être que très-agréable ; mais où trouverions-nous cette maison hospitalière ? Avant que la neige nous enveloppât dans sa blanche obscurité, j’avais examiné le pays aussi loin que ma vue pouvait s’étendre et je n’avais pas aperçu de maison, ni rien qui annonçât un village. Tout au contraire nous étions sur le point d’entrer dans une forêt dont les profondeurs sombres