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SANS FAMILLE

Puis souvent il ajoutait :

— Il le fallait !

Qu’avait-il fallu ?

Tout d’abord je n’avais pas bien compris ; mais peu à peu j’en étais venu à me dire, que ce qu’il avait fallu, ç’avait été repousser la proposition de madame Milligan, de me garder près d’elle.

C’était à cela assurément que mon maître pensait quand il disait : « Il le fallait » ; et il me semblait que dans ces quelques mots, il y avait comme un regret ; il aurait voulu me laisser près d’Arthur, mais cela avait été impossible.

Et au fond du cœur, je lui savais gré de ce regret, bien que je ne devinasse point pourquoi il n’avait pas pu accepter les propositions de madame Milligan, les explications qui m’avaient été répétées par celle-ci ne me paraissant pas très-compréhensibles.

— Maintenant, peut-être les accepterait-il ?

Et c’était là pour moi un sujet de grande espérance.

— Pourquoi ne rencontrerions-nous pas le Cygne ?

Il devait remonter le Rhône, et nous, nous longions les rives de ce fleuve.

Aussi tout en marchant, mes yeux se tournaient plus souvent vers l’eau que vers les collines et les plaines fertiles qui la bordent de chaque côté.

Lorsque nous arrivions dans une ville, Arles, Tarascon, Avignon, Montélimar, Valence, Tournon, Vienne, ma première visite était pour les quais et pour les ponts : je cherchais le Cygne, et quand j’apercevais de