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SANS FAMILLE

— Pas très-bien, mais maintenant je crois que je la dirais sans faute.

— Comment avez-vous fait pour l’apprendre ?

— J’ai écouté votre maman la lire, mais je l’ai écoutée avec attention sans regarder ce qui se passait autour de nous.

Il rougit et détourna les yeux ; puis après un court moment de honte :

— Je comprends comment vous avez écouté, dit-il, et je tâcherai d’écouter comme vous ; mais comment avez-vous fait pour retenir tous ces mots qui se brouillent dans ma mémoire ?

Comment j’avais fait ? Je ne savais trop, car je n’avais pas réfléchi à cela ; cependant je tâchai de lui expliquer ce qu’il me demandait en m’en rendant compte moi-même.

— De quoi s’agit-il dans cette fable ? dis-je. D’un mouton. Je commence donc à penser à des moutons. Ensuite je pense à ce qu’ils font : « Des moutons étaient en sûreté dans leur parc. » Je vois les moutons couchés et dormant dans leur parc puisqu’ils sont en sûreté, et les ayant vus je ne les oublie plus.

— Bon, dit-il, je les vois aussi : « Des moutons étaient en sûreté dans leur parc. » J’en vois des blancs et des noirs ; je vois des brebis et des agneaux. Je vois même le parc : il est fait de claies.

— Alors vous ne l’oublierez plus ?

— Oh ! non.

— Ordinairement qui est-ce qui garde les moutons ?

— Des chiens.

— Quand ils n’ont pas besoin de garder les moutons,