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SANS FAMILLE

Il me sourit doucement comme pour me dire qu’il me remerciait de mon avertissement, et ses yeux se fixèrent de nouveau sur son livre.

Mais bientôt ils se relevèrent et allèrent d’une rive à l’autre du canal.

Comme ils ne regardaient pas de mon côté, je me levai et ayant ainsi provoqué son attention, je lui montrai son livre.

Il le reprit d’un air confus.

Malheureusement, deux minutes après, un martin-pêcheur, rapide comme une flèche, traversa le canal à l’avant du bateau, laissant derrière lui un rayon bleu.

Arthur souleva la tête pour le suivre.

Puis quand la vision fut évanouie, il me regarda.

Alors m’adressant la parole :

— Je ne peux pas, dit-il, et cependant je voudrais bien.

Je m’approchai.

— Cette fable n’est pourtant pas bien difficile, lui dis-je.

— Oh ! si, bien difficile, au contraire.

— Elle m’a paru très-facile ; et en écoutant votre maman la lire, il me semble que je l’ai retenue.

Il se mit à sourire d’un air de doute.

— Voulez-vous que je vous la dise ?

— Pourquoi, puisque c’est impossible.

— Mais non, ce n’est pas impossible ; voulez-vous que j’essaye ? prenez le livre.

Il reprit le livre et je commençai à réciter ; il n’eut à me reprendre que trois ou quatre fois.

— Comment, vous la savez ! s’écria-t-il.