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SANS FAMILLE

déjà entendue : il paraissait demander une chose qu’elle n’était pas disposée à accorder ou tout au moins contre laquelle elle soulevait des objections.

Tout à coup il tourna de nouveau sa tête vers moi, car son corps ne bougeait pas.

— Voulez-vous rester avec nous ? dit-il.

Je le regardai sans répondre, tant cette question me prit à l’improviste.

— Mon fils vous demande si vous voulez rester avec nous.

— Sur ce bateau !

— Oui, sur ce bateau : mon fils est malade, les médecins ont ordonné de le tenir attaché sur une planche ainsi que vous voyez. Pour qu’il ne s’ennuie pas, je le promène dans ce bateau. Vous demeurerez avec nous. Vos chiens et votre singe donneront des représentations pour Arthur qui sera leur public. Et vous, si vous le voulez bien, mon enfant, vous nous jouerez de la harpe. Ainsi vous nous rendrez service, et nous de notre côté nous vous serons peut-être utiles. Vous n’aurez point chaque jour à trouver un public, ce qui pour un enfant de votre âge n’est pas toujours très-facile.

En bateau ! Je n’avais jamais été en bateau, et ç’avait été mon grand désir. J’allais vivre en bateau, sur l’eau, quel bonheur !

Ce fut la première pensée qui frappa mon esprit et l’éblouit. Quel rêve !

Quelques secondes de réflexion me firent sentir tout ce qu’il y avait d’heureux pour moi dans cette proposition, et combien était généreuse celle qui me l’adressait.