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SANS FAMILLE

Tout à coup, au milieu d’un de mes exercices, je vis Zerbino sortir d’un buisson, et quand ses camarades passèrent près de lui, il se plaça effrontément au milieu d’eux et prit son rôle.

Tout en jouant et en surveillant mes comédiens, je regardais de temps en temps le jeune garçon, et, chose étrange, bien qu’il parût prendre grand plaisir à nos exercices, il ne bougeait pas : il restait couché, allongé, dans une immobilité complète, ne remuant que les deux mains pour nous applaudir.

Était-il paralysé ? il semblait qu’il était attaché sur une planche.

Insensiblement le vent avait poussé le bateau contre la berge sur laquelle je me trouvais et je voyais maintenant l’enfant comme si j’avais été sur le bateau même près de lui : il était blond de cheveux, son visage était pâle, si pâle qu’on voyait les veines bleues de son front sous sa peau transparente ; son expression était la douceur et la tristesse, avec quelque chose de maladif.

— Combien faites-vous payer les places à votre théâtre ? me demanda la dame.

— On paye selon le plaisir qu’on a éprouvé.

— Alors, maman, il faut payer très-cher, dit l’enfant.

Puis il ajouta quelques paroles dans une langue que je ne comprenais pas.

— Arthur voudrait voir vos acteurs de plus près, me dit la dame.

Je fis un signe à Capi qui prenant son élan, sauta dans le bateau.