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SANS FAMILLE

— C’est pour faire travailler mes comédiens et aussi… pour me distraire.

L’enfant fit un signe et la dame se pencha vers lui.

— Voulez-vous jouer encore ? me demanda la dame en relevant la tête.

Si je voulais jouer ! Jouer pour un public qui m’arrivait si à propos. Je ne me fis pas prier.

— Voulez-vous une danse ou une comédie ? dis-je.

— Oh ! une comédie ! s’écria l’enfant.

Mais la dame interrompit pour dire qu’elle préférait une danse.

— La danse, c’est trop court, s’écria l’enfant.

— Après la danse, nous pourrons, si l’honorable société le désire, représenter différents tours, « tels qu’ils se font dans les cirques de Paris. »

C’était une phrase de mon maître, je tâchai de la débiter comme lui avec noblesse. En réfléchissant, j’étais bien aise qu’on eût refusé la comédie, car j’aurais été assez embarrassé pour organiser la représentation, d’abord parce que Zerbino me manquait et aussi parce que je n’avais pas les costumes et les accessoires nécessaires.

Je repris donc ma harpe et je commençai à jouer une valse ; aussitôt Capi entoura la taille de Dolce avec ses deux pattes et ils se mirent à tourner en mesure. Puis Joli-Cœur dansa un pas seul. Puis successivement nous passâmes en revue tout notre répertoire. Nous ne sentions pas la fatigue. Quant à mes comédiens, ils avaient assurément compris qu’un dîner serait le paiement de leurs peines, et ils ne s’épargnaient pas plus que je m’épargnais moi-même.