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SANS FAMILLE

Je commandai à Zerbino et à Dolce de se coucher et me mis à chanter ma canzonetta ; et jamais bien certainement je ne m’y appliquai avec plus de zèle :

Fenesta vascia e patrona crudele
Quanta sospire m’aje fato jettare
.

J’entamais la deuxième strophe quand je vis un homme vêtu d’une veste et coiffé d’un feutre se diriger vers nous.

Enfin !

Je chantai avec plus d’entraînement.

— Holà ! cria-t-il, que fais-tu ici, mauvais garnement ?

Je m’interrompis, stupéfié par cette interpellation, et restai à le regarder venir vers moi, bouche ouverte.

— Eh bien, répondras-tu ? dit-il.

— Vous voyez, monsieur, je chante.

— As-tu une permission pour chanter sur la place de notre commune ?

— Non, monsieur.

— Alors va-t’en si tu ne veux pas que je te fasse un procès.

— Mais, monsieur…

— Appelle-moi monsieur le garde champêtre, et tourne les talons, mauvais mendiant.

Un garde champêtre ! Je savais par l’exemple de mon maître, ce qu’il en coûtait de vouloir se révolter contre les sergents de ville et les gardes champêtres.

Je ne me fis pas répéter cet ordre deux fois ; je tour-