Page:Malot - Sans famille, 1887, tome 1.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
SANS FAMILLE

Je continuai de jouer ; Zerbino et Dolce continuèrent de valser.

Peut-être quelqu’un se déciderait-il à s’approcher de nous ; s’il venait une personne, il en viendrait une seconde, puis dix, puis vingt autres.

Mais j’avais beau jouer, Zerbino et Dolce avaient beau tourner, les gens restaient chez eux ; ils ne regardaient même plus de notre côté.

C’était à désespérer.

Cependant je ne désespérais pas et jouais avec plus de force, faisant sonner les cordes de ma harpe à les casser.

Tout à coup un petit enfant, si petit qu’il s’essayait je crois bien à ses premiers pas, quitta le seuil de sa maison et se dirigea vers nous.

Sa mère allait le suivre sans doute, puis après la mère, arriverait une amie, nous aurions notre public, et nous aurions ensuite une recette.

Je jouai moins fort pour ne pas effrayer l’enfant et pour l’attirer plutôt.

Les mains dressées, se balançant sur ses hanches, il s’avança doucement.

Il venait ; il arrivait ; encore quelques pas et il était près de nous.

La mère leva la tête, surprise sans doute et inquiète de ne pas le sentir près d’elle.

Elle l’aperçut aussitôt. Mais alors au lieu de courir après lui comme je l’avais espéré, elle se contenta de l’appeler, et l’enfant docile retourna près d’elle.

Peut-être ces gens n’aimaient-ils pas la danse. Après tout c’était possible.