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SANS FAMILLE

Ils savaient par l’absence de notre maître qu’il se passait quelque chose de grave, et ils attendaient de moi une explication. S’ils ne comprirent pas tout ce que je leur dis, ils furent au moins satisfaits de mon procédé à leur égard, et ils me prouvaient leur contentement par leur attention.

Quand je dis leur attention, je parle des chiens seulement, car pour Joli-Cœur, il lui était impossible de tenir son esprit longtemps fixé sur un même sujet. Pendant la première partie de mon discours, il m’avait écouté avec les marques du plus vif intérêt ; mais au bout d’une vingtaine de mots il s’était élancé sur l’arbre qui nous couvrait de son feuillage, et il s’amusait maintenant à se balancer en sautant de branche en branche. Si Capi m’avait fait une pareille injure j’en aurais certes été blessé, mais de Joli-Cœur rien ne m’étonnait ; ce n’était qu’un étourdi, une cervelle creuse ; et puis après tout il était bien naturel qu’il eût envie de s’amuser un peu.

J’avoue que j’en aurais fait volontiers autant et que comme lui je me serais balancé avec plaisir, mais l’importance et la dignité de mes fonctions ne me permettaient plus de semblables distractions.

Après quelques instants de repos, je donnai le signal du départ : il nous fallait gagner notre coucher, en tous cas notre déjeuner du lendemain, si, comme cela était probable, nous faisions l’économie de coucher en plein air.

Au bout d’une heure de marche à peu près, nous arrivâmes en vue d’un village qui me parut propre à la réalisation de mon dessein.