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SANS FAMILLE

me payer quelques journées ; mais deux mois, c’est une autre affaire.

— Je mangerai aussi peu que vous voudrez.

— Et tes bêtes ? Non, vois-tu, il faut t’en aller ! Tu trouveras bien à travailler et à gagner ta vie dans les villages.

— Mais, monsieur, où voulez-vous que mon maître me trouve en sortant de prison ? C’est ici qu’il viendra me chercher.

— Tu n’auras qu’à revenir ce jour-là ; d’ici là, va faire une promenade de deux mois dans les environs, dans les villes d’eaux. À Bagnères, à Cauterets, à Luz, il y a de l’argent à gagner.

— Et si mon maître m’écrit ?

— Je te garderai sa lettre.

— Mais si je ne lui réponds pas ?

— Ah ! tu m’ennuies à la fin. Je t’ai dit de t’en aller ; il faut sortir d’ici, et plus vite que ça ! Je te donne cinq minutes pour partir ; si je te retrouve quand je vais revenir dans la cour, tu auras affaire à moi.

Je sentis bien que toute insistance était inutile. Comme le disait l’aubergiste, « il fallait sortir d’ici. »

J’entrai à l’écurie, et, après avoir détaché les chiens et Joli-Cœur, après avoir bouclé mon sac et passé sur mon épaule la bretelle de ma harpe, je sortis de l’auberge.

L’aubergiste était sur sa porte pour me surveiller.

— S’il vient une lettre, me cria-t-il, je te la conserverai !

J’avais hâte de sortir de la ville, car mes chiens n’é-