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SANS FAMILLE

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— Ah ! tu ne sais pas. Tu as de l’argent pour vivre et pour nourrir tes bêtes, je pense ?

— Non, monsieur.

— Alors tu comptes sur moi pour vous loger ?

— Oh ! non, monsieur, je ne compte sur personne.

Rien n’était plus vrai ; je ne comptais sur personne.

— Eh bien ! mon garçon, continua l’aubergiste, tu as raison, ton maître me doit déjà trop d’argent, je ne peux pas te faire crédit pendant deux mois sans savoir si au bout du compte je serai payé ; il faut t’en aller d’ici.

— M’en aller ! mais où voulez-vous que j’aille, monsieur ?

— Ça, ce n’est pas mon affaire : je ne suis pas ton père, je ne suis pas non plus ton maître. Pourquoi veux-tu que je te garde ?

Je restai un moment abasourdi. Que dire ? Cet homme avait raison. Pourquoi m’aurait-il gardé chez lui ? Je ne lui étais rien qu’un embarras et une charge.

— Allons, mon garçon, prends tes chiens et ton singe, puis file ; tu me laisseras, bien entendu, le sac de ton maître. Quand il sortira de prison il viendra le chercher, et alors nous réglerons notre compte.

Ce mot me suggéra une idée, et je crus avoir trouvé le moyen de rester dans cette auberge.

— Puisque vous êtes certain de faire régler votre compte à ce moment, gardez-moi jusque-là, et vous ajouterez ma dépense à celle de mon maître.

— Vraiment, mon garçon ? Ton maître pourra bien