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SANS FAMILLE

Ayant pris des renseignements, on me dit que l’audience de la police correctionnelle commençait à dix heures. À neuf heures, le samedi, j’allai m’adosser contre la porte et, le premier, je pénétrai dans la salle. Peu à peu, la salle s’emplit, et je reconnus plusieurs personnes qui avaient assisté à la scène avec l’agent de police.

Je ne savais pas ce que c’était que les tribunaux et la justice, mais d’instinct j’en avais une peur horrible ; il me semblait que, bien qu’il s’agît de mon maître et non de moi, j’étais en danger ; j’allai me blottir derrière un gros poêle, et, m’enfonçant contre la muraille, je me fis aussi petit que possible.

Ce ne fut pas mon maître qu’on jugea le premier ; mais des gens qui avaient volé, qui s’étaient battus, qui, tous, se disaient innocents, et qui, tous, furent condamnés.

Enfin, Vitalis vint s’asseoir entre deux gendarmes sur le banc où tous ces gens l’avaient précédé.

Ce qui se dit tout d’abord, ce qu’on lui demanda, ce qu’il répondit, je n’en sais rien ; j’étais trop ému pour entendre, ou tout au moins pour comprendre. D’ailleurs, je ne pensais pas à écouter, je regardais.

Je regardais mon maître qui se tenait debout, ses grands cheveux blancs rejetés en arrière, dans l’attitude d’un homme honteux et peiné ; je regardais le juge qui l’interrogeait.

— Ainsi, dit celui-ci, vous reconnaissez avoir porté des coups à l’agent qui vous arrêtait ?

— Non des coups, monsieur le Président, mais un coup ; lorsque j’arrivai sur la place où devait avoir