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SANS FAMILLE

Mon maître me dit que nous étions à Toulouse et que nous y resterions longtemps.

Comme à l’ordinaire, notre premier soin, le lendemain, fut de chercher des endroits propices à nos représentations.

Nous en trouvâmes un grand nombre, car les promenades ne manquent pas à Toulouse, surtout dans la partie de la ville qui avoisine le Jardin des Plantes ; il y a là une belle pelouse ombragée de grands arbres, sur laquelle viennent déboucher plusieurs boulevards qu’on appelle des allées. Ce fut dans une de ces allées que nous nous installâmes, et dès nos premières représentations nous eûmes un public nombreux.

Par malheur, l’homme de police qui avait la garde de cette allée, vit cette installation avec déplaisir, et, soit qu’il n’aimât pas les chiens, soit que nous fussions une cause de dérangement dans son service, soit toute autre raison, il voulut nous faire abandonner notre place.

Peut-être, dans notre position, eût-il été sage de céder à cette tracasserie, car la lutte entre de pauvres saltimbanques tels que nous et des gens de police n’était pas à armes égales, mais mon maître n’en jugea pas ainsi.

Bien qu’il ne fût qu’un montreur de chiens savants pauvre et vieux, — au moins présentement et en apparence, il avait de la fierté ; de plus il avait ce qu’il appelait le sentiment de son droit, c’est-à-dire, ainsi qu’il me l’expliqua, la conviction qu’il devait être protégé tant qu’il ne ferait rien de contraire aux lois ou aux règlements de police.