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SANS FAMILLE

une colonne de fumée qui nous aurait annoncé une maison.

J’étais fatigué de la route parcourue depuis le matin, et encore plus abattu par une sorte de lassitude générale : ce bienheureux village ne surgirait-il donc jamais au bout de cette route interminable ?

J’avais beau ouvrir les yeux et regarder au loin, je n’apercevais rien que la lande, et toujours la lande dont les buissons se brouillaient de plus en plus dans l’obscurité qui s’épaississait.

L’espérance d’arriver bientôt nous avait fait hâter le pas, et mon maître lui-même, malgré l’habitude de ses longues marches, se sentait fatigué. Il voulut s’arrêter et se reposer un moment sur le bord de la route.

Mais au lieu de m’asseoir près de lui, je voulus gravir un petit monticule planté de genêts qui se trouvait à une courte distance du chemin, pour voir si de là je n’apercevrais pas quelque lumière dans la plaine.

J’appelai Capi pour qu’il vînt avec moi ; mais Capi, lui aussi, était fatigué et il avait fait la sourde oreille, ce qui était sa tactique habituelle avec moi lorsqu’il ne lui plaisait pas de m’obéir.

— As-tu peur ? demanda Vitalis.

Ce mot me décida à ne pas insister et je partis seul pour mon exploration : je voulais d’autant moins m’exposer aux plaisanteries de mon maître que je ne me sentais pas la moindre frayeur.

Cependant la nuit était venue, sans lune, mais avec des étoiles scintillantes qui éclairaient le ciel et ver-