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EN FAMILLE.
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à sa sécurité et profitât des dernières clartés du soir pour chercher un endroit où, cachée et abritée, elle pourrait dormir en repos. Si les oiseaux se couchent de bonne heure, quand il fait encore clair, n’est-ce pas pour mieux choisir leur gîte : les bêtes maintenant devaient lui servir d’exemple, puisqu’elle vivait de leur vie.

Elle n’eut pas loin à aller pour en rencontrer un qui lui parut réunir toutes les garanties qu’elle pouvait souhaiter. Comme elle passait le long d’un champ d’artichauts, elle vit un paysan occupé avec une femme à en cueillir les têtes qu’ils plaçaient dans des paniers ; aussitôt remplis, ils chargeaient ces paniers dans une voiture restée sur la route. Machinalement elle s’arrêta pour regarder ce travail, et à ce moment arriva une autre charrette que conduisait, assise sur le limon, une fillette rentrant au village.

« Vous avez cueillé vos artichauts, cria-t-elle ?

— C’est pas trop tôt, répondit le paysan ; pas drôle de coucher là toutes les nuits pour veiller aux galvaudeux, au moins je vas dormir dans mon lit.

— Et la pièce à Monneau ?

— Monneau, il fait le malin ; il dit que les autres la gardent ; cette nuit ce ne sera toujours pas  ; ce que c’ serait drôle si demain il se trouvait nettoyé ! »

Tous les trois partirent d’un gros rire qui disait qu’ils ne s’intéressaient pas précisément à la prospérité de ce Monneau qui exploitait la surveillance de ses voisins pour dormir tranquille lui-même.

« Ce que c’serait drôle !

— Attends, minute, nous rentrons ; nous avons fini. »