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EN FAMILLE.

— Il faut obéir à ta mère, dit la Marquise, Pars donc, mais pas avant que je t’embrasse ; tu es une brave fille. »

Les hommes lui donnèrent une poignée de main.

Elle n’avait plus qu’à sortir du cimetière, cependant elle hésita et se retourna vers la fosse qu’elle venait de quitter ; alors la Marquise, devinant sa pensée, intervint :

« Puisqu’il faut que tu partes, pars tout de suite, c’est le mieux.

— Oui pars », dit Grain de Sel.

Elle leur adressa à tous un salut de la tête et des deux mains dans lequel elle mit toute sa reconnaissance, puis elle s’éloigna à pas pressés, le dos tendu comme si elle se sauvait.

« J’offre un verre, dit Grain de Sel.

— Ça ne fera pas de mal », répondit la Marquise.

Pour la première fois La Carpe lâcha une parole et dit :

« Pauvre petite. »

Quand Perrine fut montée dans le chemin de fer de ceinture, elle tira de sa poche une vieille carte routière de France qu’elle avait consultée bien des fois depuis leur sortie d’Italie, et dont elle savait se servir. De Paris à Amiens sa route était facile, il n’y avait qu’à prendre celle de Calais que suivaient autrefois les malles-poste et qu’un petit trait noir indiquait sur sa carte par Saint-Denis, Écouen, Luzarches, Chantilly, Clermont et Breteuil ; à Amiens elle la quitterait pour celle de Boulogne ; et, comme elle savait aussi évaluer les distances, elle calcula que jusqu’à Maraucourt cela devait donner environ cent cinquante kilomètres ; si elle faisait trente kilomètres par jour régulièrement, il lui faudrait donc six jours pour son voyage.