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EN FAMILLE.

et une nouvelle syncope qui se prolongea plus que les deux premières.

Décidément le bouillon n’était pas ce qui convenait, la Marquise le reconnut et, pour qu’il ne fût pas perdu, elle obligea Perrine à le boire.

« Vous aurez besoin de forces, ma petite, il faut vous soutenir. »

N’ayant pas, avec son bouillon, qui pour elle était le remède à tous les maux, obtenu le résultat qu’elle attendait, la Marquise se trouva à bout d’expédients, et n’imagina rien de mieux que d’aller chercher le médecin : peut-être ferait-il quelque chose.

Mais, bien qu’il eût formulé une ordonnance, il déclara franchement à la Marquise, en partant, qu’il ne pouvait rien pour la malade :

« C’est une femme épuisée par le mal, la misère, les fatigues et le chagrin ; elle partait, qu’elle serait morte en wagon ; ce n’est plus qu’une affaire d’heures qu’une syncope réglera probablement. »

C’en fut une de jours, car la vie, si prompte à s’éteindre dans la vieillesse, est plus résistante dans la jeunesse : sans aller mieux, la malade n’allait pas plus mal, et bien qu’elle ne pût rien avaler, ni bouillon ni remèdes, elle durait étendue sur son matelas, sans mouvements, presque sans respiration, engourdie dans la somnolence.

Aussi Perrine se reprenait-elle à espérer : l’idée de la mort, qui obsède les gens âgés et la leur montre partout, tout près, alors même qu’elle reste loin encore, est si répulsive pour les jeunes, qu’ils se refusent à la voir, même quand