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EN FAMILLE.

gagner la voiture que Perrine avait été chercher, elle ne put pas y arriver, bien que la distance ne fût pas longue de leur chambre à la rue : le cœur lui manqua, et si Perrine ne l’avait pas soutenue elle serait tombée.

« Je vais me remettre, dit-elle faiblement, ne t’inquiète pas, cela va aller. »

Mais cela n’alla pas, et il fallut que la Marquise qui les regardait partir apportât une chaise ; c’était un effort désespéré qui l’avait soutenue. Assise, elle eut une syncope, la respiration s’arrêta, la voix lui manqua.

« Il faudrait l’allonger, dit la Marquise, la frictionner ; ce ne sera rien, ma fille, n’aie pas peur ; va chercher La Carpe ; à nous deux nous la porterons dans votre chambre ; vous ne pouvez pas partir… tout de suite. »

C’était une femme d’expérience que la Marquise ; presque aussitôt que la malade eut été allongée, le cœur reprit ses mouvements, et la respiration se rétablit ; mais au bout d’un certain temps, comme elle voulut s’asseoir, une nouvelle défaillance se produisit.

« Vous voyez qu’il faut rester couchée, dit la Marquise sur le ton du commandement, vous partirez demain, et tout de suite vous prendrez une tasse de bouillon que je vais demander à La Carpe ; car c’est son vice à ce muet-là que le bouillon, comme le vin est celui de monsieur notre propriétaire ; hiver comme été, il se lève à cinq heures pour mettre son pot-au-feu, et fameux qu’il le fait ! il n’y a pas beaucoup de bourgeois qui en mangent d’aussi bon. »

Sans attendre une réponse, elle entra chez leur voisin qui s’était remis au travail.