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EN FAMILLE.

et de rires, auquel les passants des trottoirs mêlaient leur mot.

Enfin, après une légère montée, ils arrivèrent devant une grande grille au delà de laquelle s’étendait un vaste espace que des lisses séparaient en divers compartiments dans lesquels se trouvaient des chevaux ; alors Grain de Sel mit pied à terre.

Mais pendant qu’il descendait, Palikare avait eu le temps de regarder devant lui, et, quand Perrine voulut lui faire franchir la grille, il refusa d’avancer. Avait-il deviné que c’était un marché où l’on vendait les chevaux et les ânes ? Avait-il peur ? Toujours est-il que malgré les paroles que Perrine lui adressait sur le ton du commandement ou de l’affection, il persista dans sa résistance. Grain de Sel crut qu’en le poussant par derrière il le ferait avancer, mais Palikare, qui ne devina pas quelle main se permettait cette familiarité sur sa croupe, se mit à ruer en reculant et en entraînant Perrine.

Quelques curieux s’étaient aussitôt arrêtés et faisaient cercle autour d’eux ; le premier rang étant comme toujours occupé par des porteurs de dépêches et des pâtissiers ; chacun disait son mot et donnait son conseil sur les moyens à employer pour l’obliger à passer la porte.

« V’là un âne qui donnera de l’agrément à l’imbécile qui l’achètera », dit une voix.

C’était là un propos dangereux qui pouvait nuire à la vente ; aussi Grain de Sel qui l’avait entendu, crut-il devoir protester.

« C’est un malin, dit-il, comme il a deviné qu’on va le