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EN FAMILLE.

mauve et de parcourir les fêtes et les marchés en suspendant à un crochet tournant des tas de sucre fondu, dont il tirait des tortillons jaunes, bleus, rouges, comme l’eût fait une fileuse de sa quenouille.

« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda la Marquise.

— Vous allez voir ; mais préparez-vous à vous faire du bon sang. »

De nouveau il emplit son verre et le tendit à Palikare qui, comme la première fois, le vida à moitié au milieu des rires et des exclamations des gens qui le regardaient.

« J’avais entendu raconter que les ânes aimaient le vin, dit l’un, mais je ne le croyais pas.

— C’est un poivrot ! dit un autre.

— Vous devriez l’acheter, dit la Marquise en s’adressant à Grain de Sel, il vous tiendrait joliment compagnie.

— Ça ferait la paire. »

Grain de Sel ne l’acheta point, mais il se prit d’affection pour lui et proposa à Perrine de l’accompagner le mercredi au Marché aux chevaux. Et cela fut un grand soulagement pour elle, car elle n’imaginait pas du tout comment elle trouverait le Marché aux chevaux dans Paris, pas plus qu’elle ne voyait comment elle s’y prendrait pour vendre un âne, discuter son prix, le recevoir sans se faire voler ; elle avait bien des fois entendu raconter des histoires de voleurs parisiens et se sentait tout à fait incapable de se défendre contre eux si, d’aventure, ils avaient l’idée de s’attaquer à elle.

Le mercredi matin elle s’occupa donc de faire la toilette de Palikare, et ce fut une occasion pour elle de le caresser