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EN FAMILLE.

journées d’attente, malgré les assurances favorables de l’oculiste resté au château pour pratiquer lui-même les pansements nécessaires ; mais l’oculiste n’était pas tout : que se passerait-il si une reprise de la bronchite se produisait ? Une crise de toux, un éternuement ne pouvaient-ils pas tout compromettre ?

Et de nouveau Perrine éprouva les angoisses qui l’avaient accablée pendant la maladie de son père et de sa mère. N’aurait-elle donc retrouvé son grand-père que pour le perdre, et une fois encore rester seule au monde ?

Le temps s’écoula sans complications fâcheuses, et M. Vulfran fut autorisé à se servir, dans une chambre aux volets clos, et aux rideaux fermés, de son œil opéré.

« Ah ! si j’avais eu des yeux, s’écria-t-il après l’avoir contemplée, est-ce que mon premier regard ne t’aurait pas reconnu pour ma fille ? Ils sont donc imbéciles ici de n’avoir pas retrouvé la ressemblance avec ton père ? Talouel serait donc sincère en disant qu’il l’avait « supposé ».

Mais on ne le laissa pas prolonger ses épanchements : il ne fallait pas qu’il éprouvât des émotions, ni qu’il toussât, ni qu’il eût des palpitations.

« Plus tard. »

Le quinzième jour le bandeau compressif fut remplacé par un bandeau flottant ; le vingtième les pansements cessèrent ; mais ce fut seulement le trente-cinquième que l’oculiste revint de Paris pour décider un choix de verres convexes qui permettraient la lecture et la vision à distance : avec un malade ordinaire les choses eussent sans doute marché moins lentement, mais avec le riche M. Vulfran c’eût été naïveté de