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EN FAMILLE.

Aussitôt le docteur Ruchon fut appelé :

« Vous devez comprendre, dit M. Vulfran, que j’ai envie de voir ma petite-fille, il faut donc que vous me mettiez au plus vite en état de supporter l’opération.

— Ne sortez pas, mettez-vous au régime lacté, soyez calme, parlez peu, et je vous garantis qu’avec le beau temps dont nous jouissons, l’oppression, les palpitations, la toux disparaîtront, et l’opération pourra se faire avec toutes chances de succès. »

Le pronostic du docteur Ruchon se réalisa, et un mois après l’anniversaire, deux médecins appelés de Paris constatèrent un état général assez bon pour autoriser l’opération qui, si elle n’avait point toutes les chances pour elle, en avait cependant de sérieuses et de nombreuses : en l’examinant dans une chambre obscure, on constatait que M. Vulfran avait conservé de la sensibilité rétinienne, ce qui était la condition indispensable pour permettre l’opération, et on décidait de la pratiquer avec iridectomie, c’est-à-dire excision d’une partie de l’iris.

Comme on voulait l’endormir, il s’y refusa ;

« Non, dit-il, mais je demande à ma petite-fille d’avoir le courage de me tenir la main ; vous verrez que cela me rendra solide. Est-ce très douloureux ?

— La cocaïne atténuera la douleur. »

L’opération faite, le patient ne recouvra pas la vue instantanément, et cinq ou six jours s’écoulèrent avant que ne commençât la coaptation de la plaie de son œil recouvert d’un bandeau compressif.

Combien furent-elles longues pour le père et la fille, ces