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EN FAMILLE.

qui il avait toute confiance pour assurer le succès et la durée de son œuvre.

Ainsi présentée, la demande ne pouvait pas ne pas être accueillie, mais ce ne fut pas sans déchirements, car le sacrifice, comme l’avait dit M. Vulfran, était considérable pour l’institutrice :

« Ah ! monsieur, s’écria-t-elle, vous ne savez pas ce que c’est que l’enseignement.

— Donner le savoir aux enfants, c’est beaucoup, je le sais, mais leur donner la vie, la santé, c’est quelque chose aussi, et ce sera vôtre tâche ; elle est assez grande pour que vous ne la refusiez pas.

— Et je ne serais pas digne de votre choix si j’écoutais mes convenances personnelles… Après tout je me prendrai moi-même pour élève, et j’aurai tant à apprendre, que mon besoin d’enseignement trouvera à s’employer largement. Je suis à vous de tout cœur, et ce cœur est plus ému qu’il ne saurait l’exprimer, pénétré de gratitude, d’admiration…

— Si vous voulez parler de gratitude, ce n’est pas à moi qu’il faut en adresser l’expression, mais à votre élève ; mademoiselle, car c’est elle qui par ses paroles, par ses suggestions, a éveillé dans mon cœur des idées auxquelles j’étais jusqu’alors resté étranger, et m’a mis dans une voie où je n’ai encore fait que quelques pas, qui ne sont rien à côté de la route à parcourir.

— Ah ! monsieur, s’écria Perrine enhardie de joie et de fierté, si vous vouliez encore en faire un.

— Pour aller où ?

— Quelque part où je vous conduirais ce soir.